mardi 23 septembre 2008

L'absence qui montre


L’émotion vient de ce qu’il y a en deçà et en delà et qui nous est caché. Dans une de ses nouvelles, Dino Bussati raconte qu’un dimanche après midi, il errait dans les rues de Milan. Son regard s’arrêta soudain sur des femmes et des hommes faisant la queue devant un cinéma. Imaginons dit il que nous ne voyons ni le guichet, ni le début de la queue. Cela devient mystérieux. Que font ces êtres humains ? d’où viennent ils, où vont ils ? d’où provient leur tension, leur excitation ? Au début des années 1990 je reliais entre eux des blocs parallélépipèdiques par des câbles d’acier. Ce travail n’aboutit jamais, ne sorti jamais de l’atelier ou d’une exposition. Pourtant moi elles me faisaient rêver, ces chaînes. Oui, mais pour rêver je devais faire abstraction des poteaux qui maintenaient le câble et les blocs en tension. En photo, cela passait à merveille…….ce qu’il aurait fallu réussir à faire : Absenter les poteaux qui ramenaient à un vulgaire étendage de linge, car comme l'a si bien dit Man Ray, "La photographie c'est l'absence qui montre".

Le pouvoir





La liberté ne se conçoit pas sans le pouvoir.

Alphabet


Dans mon travail, les alphabets apparaissent en 1995, au niveau du concept.
L'univers peut se réduire à cinq formes essentielles. Les formes nouvelles n'existent pas, c'est l'association des formes essentielles qui varie et les technologies servant à les mettre en œuvre : une Audi TT, un dauphin, un cheval au galop, une sculpture de Brancusi, l'avant du concorde et le nez de George Pompidou.

Ce que je fais depuis 1997, c'est capter la trace du mouvement directement sur et dans la matière, et construire autour de cette trace, sans passer par l'étape du dessin ou de la maquette (voir Spiricomm Astrooriit) . Tension + déséquilibre = mouvement (pour éviter la chute) …position du coureur sur le starting block, un centième de secondes avant le départ. La forme du véhicule rejoint la forme de la trajectoire et vice versa… dans mon travail, le véhicule, c’est la disqueuse qui suit et creuse un chemin tracé par d'autres véhicules… (les Ruptaganns).

A l’origine, mon alphabet répond à deux besoins. Premièrement, symboliser chaque sculpture, par un diagramme simple. Deuxièmement, graver des signes sur le fer en utilisant la disqueuse, le but étant dans la recherche d'un maximum de force et de simplicité, de travailler avec un minimum d'outils. L' érosion qui attaque la pierre… le sens doit être dicté par ma volonté, les détails doivent être dictés par le hasard. Mais pour ce qui est du sens, je fais souvent appel à mon inconscient... je pense que les choix fondamentaux de 1’ homme sont dictés par l'inconscient, la volonté servant à aller jusqu'au bout d'un choix inconscient et fondamental. Mes sculptures, pour les raisons énoncées plus haut, se rapportant à des formes archaïques et fondamentales, il est normal que les différentes lettres de mon alphabet fassent penser à d’autres signes existant dans divers autres alphabets. Je suis un conceptuel anecdotique à tendances archaïsantes.

« Il ne faut pas chercher à imiter l'aspect, l'aspect, c'est le résultat. »
Braque

« Je n'imite pas la nature, je fais comme elle. »
Picasso

« Il ne faut pas chercher à imiter la nature, il faut rivaliser avec elle. »
Malraux

L’aérodynamique est à la beauté des forme ce que la sélection naturelle est à l’évolution de l’espèce.La pierre, la courbe, le signe, la cassure, le rectangle.


La pierre, la courbe, le signe, la cassure, le rectangle.

Les galets polis par la mer, l’érosion atmosphérique, ont acquis des formes naturelles, organiques, vivantes. Sur ces galets, au moyen d’une disqueuse je trace des signes de mon alphabet…….bribes de phrases, dates, citations, noms propres…….la phrase commence sur une pierre et continue sur l’autre. Chaque pierre est une page, l’ensemble des pierres forme la paroi de la caverne sur laquelle est inscrite l’histoire. Le disque abrasif de la machine tourne à grande vitesse, d’où la pureté des lignes gravées. Le sillon, la trace laissée par le disque s’apparente à la trajectoire d’une Formule Un, d’une moto roulant à grande vitesse, au sillage d’un navire, d’un avion supersonique, d’une fusée……..la vitesse crée la pureté. Je grave et découpe toujours à la disqueuse sur le fer et sur la pierre car mes lignes sont des routes, d’où le nom de Ruptagaan employé pour nommer une série de sculptures (Rupta signifie la route en latin, la route au sens de rupture, sillon, saignée. Le Yatagan était le sabre utilisé par les soldats ottomans. Ruptagaan est un mot valise formé à partir de Rupta et de Yatagan). Une découpe au plasma ou à l’oxyacétylène ne produirait absolument pas les mêmes effets.

Je prend un galet au hasard, puis sans regarder le positionnement des signes dont je l’ai gravé, je trace un rectangle et je découpe toujours à la disqueuse, toujours selon le même rituel, quatre entailles qui se superposent sur chaque face du galet, puis je donne un violent coup de marteau qui provoque la cassure suivant la forme rectangulaire tout en gardant la mémoire du choc, de l’explosion..

Toujours la même dialectique entre la courbe informelle, vivante, imprévisible et le rectangle cartésien……la cage…..le classement……les abscisses et les ordonnées, la latitude et la longitude. La pensée logique et l’instinct.

L’aérodynamique est à la beauté des forme ce que la sélection naturelle est à l’évolution de l’espèce. Ce qui est vrai pour la trajectoire est vrai pour la forme du mobile, de l’engin, du véhicule…….l’aérodynamique est née de la vitesse……..l’aérodynamique, c’est en quelque sorte une érosion qui use, qui arase, qui rabote qui supprime tout ce qui offre trop de résistance à l’air. La vitesse fait en quelques secondes ce que l’érosion fait en des centaines de millions d’années, mais le principe reste le même…..tout ce qui est superflu, fragile, tout ce qui est obstacle doit disparaître.